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ANALYSE DU PROJET KANGAS SELON BENTLEY

 

Ian Bentley écrit, dans son livre intitulé Responsive environments, que l’environnement bâti doit fournir à ses utilisateurs un cadre essentiellement démocratique et ainsi maximiser le degré de choix mis à leur disposition. Il qualifie de sensibles les lieux qui répondent à ces critères. Encore plus, il définit les différents aspects sur lesquels l’aménagement d’une place peut affecter les choix individuels.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne notre étude et le cadre théorique que nous avons développé, nous avons décidé d’analyser le projet Kangas selon trois des qualités définies par Bentley, soit la variété, la perméabilité et la lisibilité.

 

 

 

  • La perméabilité affecte les déplacements des citadins et détermine là où ils peuvent aller et là où ils ne peuvent pas aller. Cela a beaucoup à voir avec les déplacements piétonniers

  • La variété affecte le nombre d’utilisations offertes dans le lieu.

  • La lisibilité affecte la façon dont les individus comprennent les opportunités qui s’offrent à eux et comment se distribue l’espace public et privé autour d’eux.

  • La robustesse affecte la possibilité d’usage d’un bâtiment selon différentes fins à court et long terme

  • La justesse visuelle affecte l’interprétation intuitive que les gens ont envers un lieu. Elle permet de faire prendre conscience à ces derniers de ce qui s’offre à eux comme environnement

  • La richesse affecte le choix de l’expérience sensorielle. Cette qualité est à l’échelle des détails.

  • La personnalisation affecte la possibilité pour les citadins de s’approprier le lieu

 Bentley (1985)

LA PERMÉABILITÉ

 

À l’intérieur même du quartier Kangas, on dénote de manière générale une bonne perméabilité. Tout d’abord, dans le développement des îlots, les gabarits sont plutôt petits. Le cadre bâti varie d’environ 2 à 3 unités par îlot, et procure par leur dégagement une grande perméabilité par de multiples percées visuelles d’un bout à l’autre de l’îlot. Ces percés permettent par le fait même un vaste choix de circulations piétonnes, ce qui munie un caractère de marchabilité convenable d’environ 400 mètres à l’ensemble du quartier. De plus, cette perméabilité procure une interaction accrue et facilitée avec le coeur du quartier. Dans ce centre de quartier, la place publique pavée est un espace très ouvert, qui permet une connexion entre les réseaux piétons, routiers et cyclistes en un point central culminant.

 

Par contre, on dénote tout de même une lacune au niveau de la perméabilité du quartier, car il est question de ségrégation entre les différents réseaux précédemment cités. En effet, bien que les réseaux piétons parcourent le quartier et permettent d’accéder à tous ses recoins, et que le réseau routier permet d’accéder au centre urbain, ces réseaux fonctionnent sur deux grilles de circulation distinctes qui n’interagissent pas. Cela empêche donc une fluidité totale des parcours à travers le quartier Kangas.

Carte de marchabilité

par les auteurs (2015)

Bien que de manière générale la perméabilité au sein même du quartier Kangas soit appréciable, dans une perspective plus large, la perméabilité du Kangas en relation avec le reste de la ville de Jyväskylä est plutôt problématique. En effet, le quartier Kangas est entouré de deux barrières importantes. La première est la bande verte qui borde le côté ouest, ainsi que la rivière Tourujoki qui ceinture réellement son périmètre de ce côté. Du côté est, on retrouve l’autoroute E75 qui crée une barrière autoroutière. Bref, le quartier Kangas se retrouve enclavé et ses liens directs avec la ville sont fractionnés. De plus, l’absence de systèmes de transports collectifs est une lacune majeure à la perméabilité. Le circuit d’autobus qui est présent à Jyväskylä emprunte effectivement l’autoroute en question qui borde le Kangas, mais n’y pénètre pas. Le résultat est donc que le projet Kangas se contraint de lui-même. En voulant absolument un quartier sans voiture dans son paysage urbain et son centre, on lui fournit des espaces de stationnements stratégiques. Ceux-ci sont au compte de 1400 au coeur du Kangas, et au nombre de 600 pour les espaces résidentiels. Or, en théorie, 2000 espaces de stationnements pour desservir jusqu’à 5000 ménages et 2100 nouveaux travailleurs, est un chiffre tout à fait raisonnable, avec moins de 0,5 espace de stationnement par ménage, en comparaison avec 1,5 au Québec. Dans le cas du Kangas, ce nombre renforce l’idée que le piéton est roi au sein du Kangas, et que les travailleurs du coeur de quartier sont aussi des résidents du Kangas. Dans la réalité, il faut considérer la possibilité que les utilisateurs proviennent aussi du reste de la ville, vers le secteur Kangas, et qu’ils ont besoin de plusieurs options de transport. Or, cette considération évoque simultanément la quasi-impossibilité de se rendre dans le quartier Kangas dû à sa perméabilité avec Jyväskylä qui fait défaut et son accessibilité déficiente.

 

 

Carte des barrières

par les auteurs (2015)

Carte des réseaux

par les auteurs (2015)

LA VARIÉTÉ

 

Le coeur du quartier Kangas prévoit une bonne mixité des usages, car on y retrouve plusieurs activités primaires et secondaires, comme des commerces, des bureaux en plus de quelques logements. Cela fait en sorte que le centre n’est jamais désertique; il ne vit pas selon l’horaire de travail de 8h à 17h seulement en semaine, il vit aussi des besoins primaires des gens. En effet, ils n’ont pas le choix d’accéder au centre pour fréquenter des lieux répondant à ces besoins essentiels (ex. épiceries, pharmacies, etc.). Cette concentration de fonctions au centre du Kangas agit comme un aimant qui attire un flux constant d’utilisateurs, passant de la ceinture résidentielle au coeur de quartier, et vice-versa.

 

 

 

Aussi, il est important de soulever l’échelle raisonnable du coeur de quartier. La mixité est synonyme de choix qui s’offre à l’utilisateur. Or, cette variété ne sert à rien et ne peut pas survivre si elle n’est pas accessible facilement, car comme l’évoque Bentley, le «choix dépend de la mobilité» (Bentley, p.27). Dans le cas du Kangas, le périmètre du quartier se trouve pratiquement entièrement à l’intérieur d’un rayon de marche de 400 m, soit 5 minutes de marche. Cela démontre que le gabarit du quartier est tout à fait exact, car il permet d’accéder partout facilement, et de soutenir cette variété fonctionnelle.

 

 

Lien entre le pôle résidentiel et commercial

Par les auteurs (2015)

LA LISIBILITÉ

 

La lisibilité fait partie des qualités essentielles d’un bon environnement urbain. Les citadins doivent pouvoir comprendre rapidement le lieu dans lequel ils se trouvent afin de pouvoir s’y orienter. Il existe plusieurs nodalités au sein du projet Kangas : elles inscrivent les lieux de convergences vers lesquels se tournent les bâtiments et les rues se rejoignent. L’élément le plus important est sans l’ombre d’un doute la cheminée de l'ancien moulin qui fait office de repère visuel tant à l’échelle de la ville qu’à celle du quartier. Elle marque l’emplacement de l’espace public principal, animé par l’activité commerçante et par les différents flux. Visible depuis plusieurs entrées du quartier, cette place est particulièrement importante pour la lisibilité du quartier, car elle unit physiquement et visuellement la plupart des éléments et équipements du quartier. La lisibilité est grandement accentuée par la haute marchabilité du quartier : de ce fait, les piétons ont une meilleure reconnaissance des structures urbaines qu’ils parcourent comparativement à ceux en voiture.  Les tringles d’entrée sont aussi marquées d’une manière distincte pour offrir un support visuel aisément reconnaissable. Bien qu’ils ne soient pas activés par la même intensité que le pôle central, ces « portails » contribuent à renforcer l’image que les gens se font du quartier. 

 

La réutilisation de vieux locaux comme l’ancienne usine à papier permet quant à elle de sauver de nombreux coûts de construction, et ainsi de louer des locaux commerciaux à moindres coûts qui attirent plus facilement certains locataires. L’usine se trouve cette fois dans un centre stratégique, donc le fait que le bâtiment ne soit pas neuf laisse supposer que cela crée un équilibre en coûts locatifs, favorisant ainsi la mixité.

 

Finalement, on retrouve au sein du Kangas une variété sociale et générationnelle. Le quartier a été conçu pour répondre à tous les types de ménages, jeunes et vieux, universitaires, familles ou personnes seules. Par exemple, ils prévoient l’implantation d’un parc pour aînés pour répondre aux besoins, sans aucune ségrégation. Les types de logements offerts reflètent aussi cette idée de mixité, puisqu’on va y retrouver du locatif, du sociale et du collectif. Ainsi, ils souhaitent procurer un quartier favorisant le bien-être de tous.

La lisibilité malgré l'obscurité

 

La lisibilité malgré l’obscurité est primordiale dans des pays comme la Finlande, où, durant une certaine période de l’année, les derniers rayons de soleil disparaissent dès le début de l’après-midi. Les gens vivent dans une ville obscurcie et doivent tout de même vaquer à leurs activités journalières en occupant la ville de la même manière que si elle baignait sous la lumière diurne. L’éclairage urbain permet donc aux individus d’occuper la ville alors qu’il n’y a plus de luminosité naturelle, et ce, en marquant des perspectives, des trajectoires et des repères visuels qui les guident dans leur parcours l’espace public.

 

L’éclairage urbain doit alors porter une attention particulière à ne pas dénaturer les lieux et à conserver les points de repère perceptifs que les gens se font de l’environnement sous la lumière du jour. L’«imagibilité» du lieu, fameux concept de l’urbaniste et architecte Kevin Lynch, doit être conservée malgré le niveau de luminosité moindre, c’est-à-dire que les images mentales collectives

Schéma de lisibilité

par les auteurs (2015)

produites par paysage nocturne doivent être cohérentes avec celles du jour pour permettre une bonne compréhensibilité de l’environnement. L’éclairage doit également hiérarchiser le paysage urbain en rendant visible le tracé des rues, en valorisant les bâtiments emblématiques et en permettant de juger de l’importance de voies empruntées. La lisibilité du lieu se trouvera ainsi bonifiée par l’éclairage judicieux des objets distinctifs et, du même coup, la mise en relation de ces derniers avec les autres dans le but de mieux comprendre sa propre position dans la ville.

 

Dans le cas du projet Kangas, il est certain que l'éclairage urbain devra mettre en évidence les repères visuels et les lieux de convergence dénotés plus haut, c'est-à-dire la cheminée et les places publiques. Les voies de circulation, les «portails» d'entrée du quartier ainsi que les sentiers piétons devront eux aussi être éclairés adéquatement afin de contribuer à la lisibilité nocturne, et du même coup, au confort des citadins en tout temps de l'année.

Bibliographie:

 

Bentley, I et al. 1985. « Responsive Environments : A manual for designers ». Amsterdam (Pays-Bas) : Elsevier. 151p.

 

Gehl, Jan. 2010. «  Pour des villes à échelle humaine » . Montréal (Canada) : Les Éditions Écosociétés, 273p.

 

Lynch, Kevin. 1960. The Image of the City. Cambridge , Mass. (É.-U. A.): MIT Press, 194p.

 

Mons, Alain. 2013. Les lieux du sensible : villes, hommes, images. Paris (France) : CNRS, 258p.

 

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